An-Nûr

« Lumière noire. Comme à La Mecque où la Lumière de Dieu est enfouie dans une pierre noire.

On s’imagine d’habitude que les mystiques sont perpétuellement plongés dans la béatitude et la sérénité. Depuis cette épreuve, je sais que la Lumière d’Allah peut se faire connaître même dans la douleur et l’angoisse. Au fin fond de ces Enfers décrits par Dante, où tous les damnés ont été ensevelis et où règne le silence absolu, et où je venais moi-même d’être expédié.

Pendant ces longs mois de détresse, cette Vie maîtresse de l’univers m’a longuement interrogé, revenant sans arrêt vers moi:

« Que vois-tu ? »

J’ai répondu d’abord : « Je suis seul, j’ai mal, il ne me reste plus rien et je crois que je suis mort. »

« Regarde encore ! Que vois-tu ? »

J’ai répondu ensuite : « Rien, c’est le vide, en moi et hors de moi, je tombe à l’infini. »

« Regarde ce vide et vois. »

Alors seulement, j’ai vu ce que je voyais, et j’ai témoigné enfin : « Ici, aux confins du néant, là où nulle forme ne se forme, où le vide et le plein, le vrai et le faux, le bien et le mal se sont pas encore distingués, ou se sont dilués, je te reconnais quand même, toi, la Grande Vie, présente dans le silence de ces espaces où l’être n’est que poussière, je te reconnais et je ne vois que Toi, et mon cœur pleure de joie au milieu même de ma détresse. »

Où que vous vous tourniez, là est le visage d’Allah. (Coran, II, 115)

Depuis ce temps, je sais qu’il faut des hommes pour aller au bout de la nuit de l’Etre, des hommes que la Vie universelle envoie à ses confins, là où son immensité elle-même paraît s’achever. Des hommes capables de la reconnaître même en ces lieux vides. Des éclaireurs, dont l’oeil n’a besoin d’aucune lumière et voit dans la nuit noire comme en plein jour. Des éclaireurs qui n’ont pas besoin d’attendre l’aube pour être illuminés. »

Abdennour Bidar, in Self islam, 2006. Ed Points, pp. 133-134

Musique : Orange Blossom

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